Retrouver le goût du travail

 

Au cœur du Luxembourg, Marie-Laure s’est reconvertie à l’agriculture biologique, et particulièrement dans les plantes médicinales et aromatiques. Elle a repris l’exploitation au sein de sa belle-famille. Découverte d’une reprise – pas tout à fait – familiale.

LE PROJET

C’est au cœur du Luxembourg que Marie-Laure nous reçoit, en compagnie de son beau-père.  Ils nous racontent un parcours d’installation, de transmission et de reprise d’exploitation agricole assez unique. Déjà, il s’agit d’une transmission « pas tout à fait familiale, s’amuse Marie-Laure. C’est mon beau-père. Ce n’est pas ma maman, ce n’est pas mon papa, c’est donc mon beau-père » une série de choses ont donc dû être mises en place pour protéger la famille de Patrice, afin de rendre la reprise la plus « saine » possible.  

Ce qui rend cette reprise hors du commun, ce ne sont pas uniquement les liens de parenté entre Marie-Laure et Patrice, mais aussi leur parcours. Car ils n’ont pas toujours été dans l’agriculture. Proches du Luxembourg, ils travaillaient tous les deux dans le secteur de la finance lorsque Marie-Laure décide de se former, sur le tard, à l’herboristerie. Alors qu’elle fait son stage obligatoire chez un producteur dans les Vosges, celui-ci vient lui rendre visite en Belgique « et mon beau-père a adoré le mode de travail, le mode de vie, … » explique Marie-Laure. Patrice se lance alors rapidement dans l’aventure dès 2010, en gardant pour objectif que Marie-Laure reprenne, à terme, l’exploitation. « Moi je travaillais dans les fonds d’investissements, se souvient l’agricultrice. Donc vraiment dans des choses qui sont… irréelles, immatérielles ». Pour elle, se reconvertir dans l’agriculture c’était revenir vers le concret, vers la terre et les saisons. Patrice avait d’ailleurs à cœur que Marie-Laure puisse reprendre une exploitation qui avait du sens, avec une série d’éléments essentiels : « principalement le respect de l’environnement, de la nature, souligne Patrice. Et de notre paysage, ici, dans notre région. C’était toute cette valeur de notre Gaume qui était là. Et moi je voulais qu’elle continue dans cette dans cette tradition de récolter des plantes de chez nous. »

 Je me suis permise d’engager deux personnes, sur la deuxième année de reprise. Et là je suis en train de voir pour construire un bâtiment, pour justement avoir plus de facilités pour travailler

Marie-Laure

Agricultrice

Même en étant bien accompagnés, la reprise est une entreprise de longue haleine. Marie Laure insiste, il faut « prendre le temps d’expliquer les choses. Parce qu’au niveau administratif, il y a beaucoup de choses ». Patrice ajoute qu’il faut également « être persévérant. Parce que c’est vrai, que parfois on se dit « oh il y a encore ça… » Mais bon il faut aller l’avant. Il faut se dire qu’on va passer outre. Et puis voilà. Et puis on y arrive ! ». Une transmission, lorsqu’on veut disposer des aides à l’installation, c’est aussi beaucoup d’administratif et de contraintes. « Il y a beaucoup de règles. De transmission, etc. Avec des dates bien précises. Donc ça c’est la partie où il faut faire le plus attention, et être le mieux entouré possible » insiste Patrice. Marie-Laure et lui ont d’ailleurs fait appel aux services du SPIGVA. « Moi j’ai fait appel aux services de la province, le SPIGVA, qui a une antenne ici à Etalle, explique Marie-Laure. Et c’est eux qui remplissent tous mes dossiers d’aides. Et qui font une partie de la comptabilité aussi. Ce sont vraiment des services qui ne sont pas assez reconnus, qui ne sont pas assez connus du grand public je pense. Pourtant ils font un travail qui est super important. »

Si les aides ne sont pas aisées à obtenir, elles sont néanmoins essentielles aux yeux de Marie-Laure : « pour moi c’est une sécurité pour pouvoir avancer dans le temps et continuer dans ce qu’on est en train de faire. »  Puisqu’elle travaille sur une petite surface, moins de 10 hectares, les aides à la superficie ne représentaient pas grand-chose, et les aides à l’installation ont donc été essentielles à la réussite de son projet. Parce que, en plus de cultiver une quarantaine de plantes différentes (menthes, sauges, thyms, mais aussi fraisiers, hysope, romarin, origan, …) et de pratiquer la cueillette sauvage (ail des ours, fleur de sureau, aubépine, plantain, ortie, …), Marie-Laure transforme aussi ces plantes en tisanes, aromates, huiles, vinaigres, confitures, sirops, hydrolats et bonbons. Ce panel d’activités nécessitait donc de la main d’œuvre : « Je me suis permise d’engager deux personnes, sur la deuxième année de reprise, raconte l’agricultrice. Là je suis en train de voir pour construire un bâtiment, pour justement avoir plus de facilités pour travailler. »

Depuis son travail dans la finance, Marie-Laure est donc devenue à la tête d’une exploitation qui cultive, transforme, mais pratique également l’accueil social à la ferme : une fois par semaine, avec l’IMP La Providence de Etalle, elle consacre un après-midi à accueillir une personne qui vient l’aider sur son exploitation. C’est définitivement dans un travail rempli de sens et de valeurs que Marie-Laure s’est reconvertie avec succès. On ne peut que lui souhaiter de continue sur cette voie pour la suite !

Comme dans beaucoup d’endroits en Belgique, l’accès à la terre est un véritable frein à l’installation. Patrice et Marie-Laure ont donc dû faire preuve d’inventivité : « Nous, ce qu’on a pu avoir, ce sont des fonds de sapinière. Ce qui fait qu’on n’a pas toujours un terrain… propice à l’agriculture, très acide. Mais au final, on arrive quand même à faire pousser pas mal de choses. » précise Marie-Laure. En plus d’avoir un terrain peu fertile, l’obstacle réside également dans la fragmentation de ses terrains « Avoir des terrains c’est compliqué, donc par exemple, ici on est on est sur Ansart, j’ai un magasin qui est sur Tintigny, et mes champs sont sur Sainte-marie et Fratin, souligne Marie-Laure. Donc quand on n’a pas la chance d’avoir une ferme avec tous les hectares autour, c’est beaucoup de trajets, c’est beaucoup de logistique. On ne peut pas se retrouver sur le champ, et se dire « tiens il me manque un outil, il faut que je rentre« . Il faut vraiment avoir tout sur place. »

Si Marie-Laure a décidé de se reconvertir, elle a découvert qu’on ne se convertit pas à l’agriculture d’un claquement de doigts : une série de formation sont obligatoires pour avoir accès à la profession. « J’ai fait les cours A et B d’agriculture. Je connais tout sur le cochon, mais je n’ai pas de cochons ! rigole-t-elle. On a des obligations de cours de phytolicense, sauf que je ne mets pas de produits phyto. Après c’était très intéressant, parce que quand on parle avec d’autres agriculteurs, on comprend aussi de quoi ils parlent. »

Outre la reconversion, on ne transmet pas non plus son exploitation en quelques jours : c’est une opération de longue haleine, qui doit se préparer. « Mon beau père a commencé en 2010, et moi j’ai repris en 2019, se rappelle Marie-Laure. Mais avant ça, en 2015 j’ai quand même arrêté de travailler pour une banque, et on a lancé toutes les « démarches«  je vais dire. Pour avoir une reprise, et pour avoir les aides à la reprise. » Car il existe une série d’aides à la reprise et à l’installation, dont celle du Programme wallon de Développement Rural, financé par la Wallonie et l’Europe. « Il n’y a pas assez d’informations à ce niveau-là, pour savoir qu’on peut reprendre, insiste Patrice. Heureusement qu’il y avait une stagiaire qui en avait parlé [à Marie-Laure], on pouvait avoir les aides à la reprise. Parce qu’on ne le savait même pas. »

GALERIE

Découvrez les photos du projet

Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment à la  Mesure 6.1  du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.

Découvrez-en plus sur le Programme wallon de Développement Rural et son réseau :
www.reseau-pwdr.be