Quand le vélo n’a plus d’âge
Au cœur de la Famenne, le GAL RoMaNa a lancé un projet de mobilité douce au sein des maisons de repos de la région grâce à un vélo triporteur adapté aux séniors. Un projet qui allie la question du vieillissement à celle de la mobilité !
LE PROJET
C’est par une matinée automnale que nous nous rendons à la Maison de Repos la Reine des prés, à Waha. La maison de repos vit son quotidien : entre soins et résidents venus dans les zones communes pour déjeuner, ou discuter ensemble. Et pourtant, ce n’est pas un jour comme les autres : les séniors vont pouvoir profiter d’une balade en tripoteur, piloté par le kiné de la maison de repos, Valentin. Vient le moment d’aller trouver les résidents et leur proposer la balade : certains déclinent, après tout il fait « frisquet » et l’humeur n’est pas toujours de la partie, mais deux résidentes acceptent avec plaisir l’aventure.
Thomas Lamotte, chargé de mission mobilité au sein du GAL Romana, se réjouit de voir le tripoteur en action. C’est grâce à son GAL que le vélo se trouve au sein de la Maison de repos. « Le projet s’appelle « Vélo sans âge », c’est un projet qui veut apporter plus de mobilité aux personnes âgées, par la pratique du vélo. On met à disposition des homes de notre territoire, un vélo adapté, où on peut mettre une ou deux personnes et c’est un vélo électrique, pour aider la personne à pédaler » explique le chargé de mission.
Si on envisage généralement la mobilité dite « douce » en opposition à la mobilité dite « dure », c’est-à-dire les moteurs électriques versus moteurs thermiques, n’oublions pas que l’un des enjeux de la mobilité réside également dans le fait de rester mobile le plus longtemps possible. Or, lorsque l’on devient résident dans une maison de repos, surtout rurale, la mobilité à tendance à se perdre. Seule la marche reste accessible, mais forcément limitée par le vieillissement du corps. Le projet « Vélo sans âge » vient, au contraire, rendre de la mobilité aux personnes âgées, leur permettre de dépasser les murs de leur résidence.
Voilà que les séniors embarquent sur le vélo : elles sont deux, accompagnées de leur kiné. Évidemment, on ne monte pas dans un vélo triporteur à 75 ans passés comme on grimpe sur son vélo à 20 ans : « En fait c’est faire de la kiné, alors que le résident ne se rend même pas compte qu’il fait de la kiné, se réjouit Valentin Henrotte, kinésithérapeute au sein de la Maison de repos. C‘est un moyen d’amener de la thérapie autrement que vraiment une séance individuelle chambre. » Par exemple, après une fracture de hanche, ne serait-ce que faire quelques pas, se remettre en mouvement, peut paraître insurmontable. Le vélo devient alors une belle motivation, puisqu’il permet de prendre l’air et de visiter les alentours « Dans une maison de repos, même si ici elle est assez ouverte, souligne Valentin, les résidents ne vont jamais faire le tour du village, jusqu’à l’église ou jusqu’au pré un petit peu plus loin. » Sortir de la maison de repos relève donc déjà du divertissement.
C’est faire de la kiné, alors que le résident ne se rend même pas compte qu’il fait de la kiné.
Nous entamons la dernière partie de la balade, avec une grande descente, mais ensuite une belle montée pour rejoindre le Home. Valentin doit assurément donner de sa personne pour mener l’équipage à bon port. Pour le moment, le vélo est exclusivement piloté par des travailleurs de la maison de repos, infirmiers ou kiné principalement, mais il n’est pas exclu à l’avenir que le triporteur soit mis à disposition des familles qui désireraient faire un tour avec leurs proches : « je pense que à l’avenir, ça peut évoluer vers les familles, réfléchit Thomas, qui peuvent venir avec leurs proches, conduire leurs proches, louer le vélo (…) Ou même des bénévoles, qui pourraient s’impliquer et venir ici pour conduire, proposer des balades aux résidents » et donc potentiellement créer du lien social dans toute la société.
Évidemment, un vélo comme celui-ci représente un coût conséquent, d’autant plus que l’assistance électrique est indispensable pour déplacer deux personnes et le pilote (encore plus dans les montées !). C’est pourquoi le GAL fait tourner le vélo entre différentes Maisons de repos, histoire de rentabiliser les coûts. Cependant, Valentin Henrotte le rappelle, certaines Maison de repos vont parfois investir de grosses sommes pour des vélos en réalité virtuelle, qui donnent l’impression via un casque VR de faire une vraie balade. Or, pour lui, le bénéfice de ces vélos en réalité virtuelle est loin de celui du triporteur mis à disposition par le GAL : « ça ne remplacera jamais un type de vélo comme ça. Ça procure vraiment des sensations indescriptibles pour le résident. Tous, ils en sortent avec le sourire ! »
Enfin, nous voici qui revenons à notre point de départ. Assurément, les voyageuses ont le sourire, et semblent avoir bien profité malgré le vent glacial : « C’est agréable parce qu’on passe dans des paysages connus, mais qui ont une autre allure quand on les voit comme ça. C’est plus facile que quand on marche ! » s’amuse une des résidentes. Pour le futur, on imagine aisément d’autres GALs lancer ce type d’initiative, comme c’est déjà le cas pour le GAL Pays de l’Ourthe par exemple. Une belle façon d’allier la question de la mobilité et du vieillissement en zones rurales.
Notre équipage se met en route dans la campagne famennoise : si la balade doit passer par la grand route, c’est rapidement au cœur de la campagne que nos séniors se retrouvent, dans les petites routes du village de Waha. Evidemment, c’est également du lien social qui va se tisser lors de ces sorties, que ce soit entre les résidents qui partagent le triporteur, mais aussi avec le pilote, qu’il soit kiné ou infirmier « Ils parlent, on dirait qu’ils se délient la langue un petit peu, ils nous parlent plus de leur passé, nous confie le jeune kiné. J’ai appris des choses sur eux, ils ont appris des choses sur moi. Certains me disaient qu’ils utilisaient la mobylette pour aller travailler toute leur vie, et que ça leur rappelait un petit peu ça. On a vraiment des sourires aux lèvres, vraiment ce sont peut-être des choses que je n’aurais jamais sues s’il n’y avait pas eu le vélo. »
Tandis que le tripoteur continue sa route, Thomas nous en explique un peu plus sur le projet. Celui-ci n’est pas né en Belgique « C’est un projet qui démarre au Danemark, il y a déjà quelques années, précise Thomas Lamotte. Et qui maintenant est un peu partout dans le monde. Ici en Belgique c’est mobile21 en Flandre qui a développé ce projet le premier. » C’est grâce à un projet de coopération entre différents GALs wallons et le GAL Hageland en Flandres que le projet « Vélo sans âge » a vu le jour en Wallonie. Les flamands ont, en effet, apporté leur expérience et leur expertise pour le projet, qui existait déjà de l’autre côté de la frontière linguistique. Les GAL peuvent ainsi échanger leur retour d’expérience sur le terrain : bien que la Flandres soit plus avancée que la Wallonie en termes de mobilité douce, chaque GAL sort de ce type de coopération avec de nouvelles leçons tirées. « C’est un bel échange, et une belle dynamique » sourit Thomas.
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Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment à la Mesure 19 – LEADER (GAL RoMaNa) du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.