Le GAL et les glaneurs
Le glanage est connu de tous mais pas toujours pratiqué de façon adéquate : certains se précipitent sur les parcelles en cours de récolte, se mettant en danger ou gênant le travail des engins, d’autres confondent glanage et maraudage, la pratique gagne donc à être encadrée. C’est ce que propose le Groupe d’Action Locale Burdinale Mehaigne avec son projet « Ca glane pour moi » qui réunit citoyens et agriculteurs autour d’un projet fédérateur.
LE PROJET
Le glanage est une pratique qui a traversé les siècles. Lorsque vous entendez le mot, sans doute avez-vous à l’esprit l’image d’Épinal des glaneuses dans les champs. Mais avec la mécanisation de l’agriculture, et une certaine méconnaissance des citoyens vis-à-vis des cultures, la pratique a parfois mené à des dangers ou des abus. Le danger principal ? « Des agriculteurs me font parfois part de glaneurs qui viennent glaner derrière les machines, déplore Hadrien Gaullet, chargé de mission agriculture & biodiversité au GAL Burdinale Mehaigne. Ou quand l’agriculteur récolte lui-même la parcelle. Ce qui est assez dangereux, et peut être source d’accidents. » Car le timing est essentiel lors du glanage : récolter avant l’agriculteur est appelé du maraudage et s’assimile à du vol, tandis que si vous venez glaner alors que l’agriculteur a re-semé, vous risquez de détruire son semis.
C’est notamment à partir de ce constat d’incivilité que le projet est né « On s’est rendu compte qu’il y avait la possibilité, via le glanage, de réunir l’agriculteur et le citoyen sur la terre, raconte Camille Englebert, chargée de mission action sociale pour le projet Up’Citoyen au Groupe d’Action Locale Burdinale Mehaigne, même si l’agriculteur ne fait pas spécialement de vente directe. Ça lui permet de continuer à servir [le marché de la grande distribution] et en même temps peaufiner et améliorer, renforcer son lien, son ancrage dans le village, avec les voisins, tout simplement. » Le glanage devient donc un moyen de reconnecter l’agriculteur et le citoyen autour de l’un des fondements de notre société : l’alimentation.
Les citoyens sont, en effet, avides de connaissances quant à leur alimentation « Ah j’ai tout appris, rit Laurence Piront, bénévole-encadrante du projet. Parce que je ne suis pas du milieu agricole au départ. Donc je suis toujours en train d’apprendre, tout le temps. Ce qui m’intéressait, c’était la différence qu’on fait entre bio, agriculture traditionnelle et agriculture raisonnée. Ça me permet, moi, de consommer autrement. Parce que je sais comment ils font, et je sais ce qu’ils font maintenant. » Grâce à la présence des agriculteurs lors du glanage, les glaneurs peuvent découvrir un pan caché de leur alimentation, mais aussi en apprendre plus sur ceux qui la produisent.
Ça me permet, moi, de consommer autrement. Parce que je sais comment ils font, et je sais ce qu’ils font maintenant..
Mais comment cela se passe-t-il, concrètement pour le citoyen ? « L’agriculteur récolte sa parcelle, et ensuite nous prévient en nous disant « voilà, la parcelle d’oignons peut être récoltée pendant la semaine qui arrive » » explique Hadrien. Ensuite les citoyens préalablement inscrits sont prévenus par mail de la date et de l’heure du glanage.
Et puis, place au glanage à proprement parler, qui bénéfice non seulement aux personnes venues récolter mais également à des associations : « Il y a des bénéficiaires très concrets : ce sont les personnes qui bénéficient des dons, précise Camille. Tout glaneur qui se présente sur la terre peut, à la sortie de son glanage, faire un don [d’une partie] de sa récolte. Et ça, ça part directement aux associations locales, avec lesquelles on est en partenariat. » Le jour de notre reportage, ce sont plus de 100kg d’oignons qui auront été donnés à des associations. Il ne faut également pas négliger l’accès à la nourriture pour une série de populations précarisées, auxquelles il faut porter une attention particulière, notamment en termes de préservation de l’anonymat : « Il y a des personnes qui sont réellement dans le besoin sur ce territoire, rappelle Camille, et ces personnes-là on a pu les identifier, par notre pratique et par d’autres actions que l’on mène. On leur propose de venir librement, en toute discrétion, se servir et pouvoir répondre à leur besoin de première nécessité : manger. Et pouvoir lier les deux bouts en fin de mois. »
Un beau projet donc, qui arrive à mêler sensibilisation à l’environnement, accès à une alimentation de qualité et reconstruction du lien social. Nous laisserons le mot de la fin à Camille : « Au travers de tous ces rendez-vous, qu’il fasse beau ou qu’il fasse mauvais, il y a vraiment un cœur et un groupe fidèle qui est présent. […] Il suffit de venir à la sortie du champ et vous aurez tout compris ! »
Un savoir qui permet également de replacer le respect au cœur du glanage : « [Il faut] qu’il y ait aussi un contact direct, le fait de se présenter à l’agriculteur, et de demander tout simplement si on peut venir glaner, ça apaise, ça garantit d’être légitime, et que la présence soit légitime sur la terre. On avait vraiment envie de réinstaurer ça, ces petites règles-là de savoir-vivre » précise Camille. Car une règle essentielle à garder à l’esprit, c’est que si le glanage est un droit inscrit dans le code rural il faut « toujours considérer que le champ, la terre, ce n’est pas un lieu public, c’est le jardin de l’agriculteur, souligne Hadrien. Et personne n’aime voir des gens spontanément dans son jardin. »
Dès le départ, le projet a été un succès : « On a fait face à un engouement incroyable, en tout cas de la part des participants, et puis des agriculteurs qui se sont passé le mot, que c’était encadré et sûr » se réjouit Camille Englebert. Fort de ce succès, le GAL a mis en place la formule de « glaneur encadrant » : « Certaines personnes se sont manifestées auprès de nous, et qui ont dit « Je voudrais aller un peu plus loin. » Alors on les a sollicités pour constituer un groupe. Et ce groupe on souhaiterait l’autonomiser, [afin de] pouvoir nous, chargés de mission du GAL, tout doucement se retirer en fait de l’organisation et ainsi garantir la pérennité de l’action. »
Les glaneurs encadrants peuvent ainsi apporter leur pierre à l’édifice « Moi mon but, en faisant ça, c’était d’abord la question solidarité, précise Laurence Piront. Donc me dire qu’il y a de la nourriture dans les champs qui est jetée, qui pourrit, qui ne sert à personne, … Et savoir qu’il y a des gens qui ont réussi à mettre quelque chose au point pour que cette nourriture puisse servir à des gens qui en ont besoin d’abord, c’est ma première motivation. »
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