L’arbre qui ne cache pas la forêt

 

Revenue au cœur des préoccupations (à la fois politiques et citoyennes), la haie tente de retrouver sa place dans le paysage wallon. Mais comment aider les agriculteurs à la réintroduire, voire à mieux s’occuper de haies et d’arbres déjà plantés ? Le projet Agrofor+ répond à cette question en apportant un encadrement et un accompagnement aux agriculteurs de la région.

LE PROJET

C’est à Bomal que nous nous retrouvons en un bel après-midi de septembre : et si le chant des oiseaux résonne, ce n’est pas par hasard, mais grâce aux haies qui entourent la prairie de Frédéric Noirhomme, agriculteur. C’est pour améliorer la gestion de ces haies, si précieuses pour la biodiversité, que le projet Agrofor+ a été créé : « Les objectifs du projet sont la gestion des éléments agroforestiers d’une exploitation, que ce soit des haies ou des arbres hors forêt, mais également de promouvoir le matériel pour l’entretien de ces éléments, explique William Halleux, chargé de mission au GAL Pays de l’Ourthe. Mais aussi l’entretien des haies et des arbres pour le développement de la faune et de la flore, ainsi que pour le caractère rural et paysager de la région du Pays de l’Ourthe. »

Car, comme vous le savez sans doute, les arbres et haies ont eu tendance à disparaître du paysage agricole au bénéfice de plus grandes parcelles et d’une intensification de l’agriculture. Une tendance que beaucoup sont désireux d’inverser, et ce au moyen de ce qu’on appelle « l’agroforesterie », soit l’arbre lorsqu’il est en dehors de la forêt. Mais quels sont les avantages de l’agroforesterie exactement ? « Il y en plusieurs qu’apporte l’arbre à la culture et à l’agriculteur, précise Damien Hubeaux de l’Association pour la promotion de l’agroforesterie en Wallonie et à Bruxelles (AWAF). La fertilisation du sol, l’abri pour le bétail par exemple (comme l’ombrage), le fourrage que ça peut éventuellement prodiguer au bétail. On se rend compte de tout ce que peut apporter l’arbre, mais aussi de l’importance de se diversifier, ça permet un système plus résilient, notamment aux extrêmes climatiques. »

 Et c’est notamment grâce à l’angle de la diversification agricole, en permettant à l’agriculteur de tirer des bénéfices financiers de ses haies, que le projet Agrofor+ a réussi à convaincre plusieurs agriculteurs : « Au départ c’était un peu de curiosité, et par la suite on nous a expliqué les tenants et aboutissants de la fiche, on s’est rendus compte qu’il y avait une valorisation possible du produit des haies, développe Frédéric Noirhomme, agriculteur à Bomal. Ici l’intérêt c’était de pouvoir utiliser les branches en BRF [NDLR : bois raméal fragmenté] pour pouvoir les épandre sur nos cultures, ce qui amène un peu d’humus. Et tout ce qui est bois un peu plus ligneux, l’objectif est de pouvoir le broyer soit pour faire du paillage, soit pour faire des pellets. »

Quand on veut se lancer dans un projet en agriculture, on est souvent seul. Le fait d’avoir une équipe qui est là pour nous soutenir, pour faire certaines démarches à notre place, et qui se tient informée, car ce sont des experts qui tiennent le projet. C’est beaucoup plus motivant. 

Frédéric Noirhomme

L’entretien est souvent un frein dans les projets agroforestiers : « Il faut sensibiliser à l’entretien, qui n’est pas anodin, remarque Damien Hubeaux. Cela fait peur, car ça ne fait pas partie du métier d’agriculteur de base, donc il faut se former. Ou alors s’entourer, ou faire appel à un professionnel pour entretenir ses haies. C’est aussi tout un métier. » C’est notamment sur ce point que la plus-value du GAL est importante, car il apporte une aide précieuse au moment de l’entretien. « Tout l’accompagnement du projet en fait, ajoute Frédéric Noirhomme. Quand on veut se lancer dans un projet en agriculture, on est souvent seul. Le fait d’avoir une équipe qui est là pour nous soutenir, pour faire certaines démarches à notre place, et qui se tient informée, car ce sont des experts qui tiennent le projet. C’est beaucoup plus motivant. »

Le projet n’est bien sûr pas sans obstacle : l’un des principaux est le peu de connaissances des techniques d’entretien. La gestion des haies ne se résume pas à une simple taille mais dépend de la typologie de cette dernière et de la valorisation souhaitée. Ajoutons aussi l’obtention des permis pour la gestion des haies et arbres lorsque ceux-ci sont classés comme remarquables. La mobilisation des agriculteurs n’est pas toujours facile : « Sur les 430 agriculteurs contactés, pour le projet, seulement 3 ont été intéressés »regrette William.  Certains ne voyaient pas l’intérêt de la valorisation de leurs haies, ou n’avaient simplement pas suffisamment de temps à consacrer à ce nouveau projet. « J’espère que les agriculteurs verront l’or qu’ils ont dans leurs parcelles, conclut le chargé de mission. Et pourront valoriser leurs haies pour un mieux, sans les laisser à l’abandon comme c’est parfois le cas. »

Parce qu’il n’y a pas qu’en forêt qu’il est possible de valoriser les produits de l’arbre : « Suivant les objectifs, les attentes des agriculteurs, la valorisation des haies ou des arbres ont différents aboutissants, ajoute William Halleux. C’est-à-dire que ça peut finir comme BRF, comme plaquettes pour les chaudières à biomasse, mais également comme bois de service comme des piquets pour les clôtures, bois d’œuvre pour des poutres, ou du bois énergie tout simplement pour brûler comme bois de coupe. » Et les bénéfices de ces haies ne sont évidemment pas que pécuniaires : « Nous pouvons remarquer que pour la biodiversité, les auxiliaires [NDLR : insectes, oiseaux, … qui protègent les cultures] que tous ces éléments agroforestiers peuvent apporter à un fermier n’ont pas de prix. Même si ce sont des choses qu’on ne voit pas forcément : ce sont des éléments qui sont à long-terme visibles pour ceux qui veulent le voir » se réjouit William.

La place de l’agroforesterie en Wallonie et à Bruxelles tend actuellement à augmenter : « C’est difficile de chiffrer (…) il y a des vergers, des paysages bocagers, des haies qui existent depuis des siècles, indique Damien Hubeaux, de l’AWAF. En termes d’alignement d’arbres, l’agroforesterie plus « moderne », on parle plus souvent de 500 à 600 hectares d’agroforesterie. Maintenant ce qui est sûr c’est qu’il y a une volonté de la part des agriculteurs, surtout de par les dernières sécheresses qu’on a connues, de se diriger vers ce mode de diversification. » Mais attention, on ne se lance pas n’importe comme dans l’agroforesterie : « Ce qui est important c’est de bien cibler l’objectif qui nous intéresse », rappelle Damien.  L’agriculteur doit donc décider avant de planter quel sera son objectif : biodiversité, lutte contre l’érosion, production de biomasse… Et ensuite, en fonction de sa situation, il pourra choisir les essences d’arbres qui correspondent à ses besoins. L’AWAF a d’ailleurs créé, afin d’aider les agriculteurs à planter des haies qui répondent à leur besoin, une brochure interactive disponible sur www.mahaie.be

J’espère que les agriculteurs verront l’or qu’ils ont dans leurs parcelles. Et pourront valoriser leurs haies pour un mieux, sans les laisser à l’abandon comme c’est parfois le cas.

William Halleux

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GALERIE

Découvrez les photos du projet

Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment aux Mesure 19 – LEADER (GAL Pays de l’Ourthe) et Mesure 7.6 – Restauration de pelouses, de landes et d’habitats situés en Natura 2000 et dans la structure écologique principale (SEP) du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.

Découvrez-en plus sur le Programme wallon de Développement Rural et son réseau :
www.reseau-pwdr.be