La gestion différenciée : quand le social vient en soutien de la biodiversité

 

Il y a 6 ans, le GAL des Plaines de l’Escaut s’est lancé dans un projet de gestion différenciée des espaces verts. L’idée étant d’investir ceux-ci différemment de ce qu’on voit habituellement afin d’éviter une uniformité et accueillir ainsi une faune et une flore les plus variées possible. Fanny Castelain et Benoit Gauquie, chargé·e·s de mission au GAL nous présentent ce projet.

LE PROJET

Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces mots de « gestion différenciée » ? « L’idée c’est de transformer un endroit qui serait un peu pauvre comme un jardin à l’anglaise, explique Fanny Castelain, chargée de mission « gestion différenciée » au GAL, avec des espèces horticoles qui ne sont pas d’ici et pas adaptées aux insectes locaux et proposer des schémas d’aménagement qui sont plutôt en faveur de la biodiversité. Il y a une réflexion par rapport aux essences mais aussi par rapport à l’implication des habitants. L’idée est aussi de diminuer le travail, on va le dire comme ça, des services communaux pour impliquer les habitants et les gens qui profitent de cet espace dans la transformation de cet lieu. »

De nombreux endroits sur le territoire du GAL sont ainsi réinventés et réaménagés. C’est le cas, par exemple, du Quartier du Préau à Bernissart. Alors qu’il s’agit d’un quartier dont la population est plutôt précarisée, on ne s’imaginerait pas au premier abord qu’ils puissent être les sujets idéaux d’un tel projet. Parti d’une prairie fleurie, il est aujourd’hui la projection du rêve que les habitants avaient de lui. Bétonné et minéralisé malgré tout, la population locale s’est complètement réapproprié cet espace pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. « Les clés d’entrée sont multiples quand on veut toucher les habitants. Ici, c’est par les enfants que cela a ensuite émergé vers les adultes » précise Benoit Gauquie, chargé de mission patrimoine naturel et biodiversité.

Le rôle du GAL est différent pour chacun des projets. De l’organisation de réunions avec les partenaires à la fourniture de matériel en passant par des formations sur les plantes sauvages par exemple. L’accompagnement, l’expertise et les formations jouent un rôle capital dans l’élaboration de ce type de projet. Il est important qu’il y ait une pilote dans l’avion et c’est là le rôle principal du GAL. Comme nous le précise Fanny, son plus gros atout étant sa connaissance approfondie du territoire. « Un gros atout aussi, c’est le partenariat avec la FRW (…)  qui est très implantée au sein de la commune. C’est presqu’un service communal et ils ont des contacts réguliers presque quotidiens avec la commune et donc cela ça facilite bcp les choses » souligne Benoit.

Avec Leader, dont les financements ont une durée limitée, les projets n’ont pas toujours un avenir tout tracé. L’enjeu de la pérennisation est donc essentiel. « Il faut approcher les projets de manière plus distante et animer, explique Benoit, mais en tous cas de ne pas faire à la place des habitants. On ne peut pas trop s’investir dans les projets sinon on peut vite boire la tasse et se surcharger et faire mal les chose ». Il n’est pas évident de juger quelle dose donner dans les projets. Par ailleurs, il est possible que certains projets finissent par avorter et si l’implication dans ceux-ci a été grande, il en ressort inévitablement une réelle frustration.

Il faut approcher les projets de manière plus distante et animer, mais en tous cas de ne pas faire à la place des habitants. On ne peut pas trop s’investir dans les projets sinon on peut vite boire la tasse et se surcharger et faire mal les chose 

Benoit Gauquie

Si Fanny et Benoit devaient donner un conseil aux autres GALs désireux de se lancer dans ce type de démarche, ce serait d’avoir un bon réseau d’habitants et une belle connaissance des ressources disponibles (comme les éco-jardinier par exemple). Ces projets sont en effet nombreux à germer sur le territoire, énergivores et chronophages, il est nécessaire de rester dans le leitmotiv de la coopération, de rester ouvert aux énergies sur place et de laisser les bénévoles aller plus loin. Ici, l’une des forces du projet tient sans dout au fait que le Groupe d’Action Locale est également un parc naturel « La structure Parc, professionnelle, doit toujours être présente, il ne faut pas laisser ces ambassadeurs, ces bénévoles en roue libre, il faut qu’ils soient supportés mais on ne peut pas tout faire et il faut effectivement à un moment donné caller un peu les choses, donner le cadre et après on peut laisser le bénévole aller plus loin … » précise Benoit. Le GAL doit accepter de se limiter à de l’animation et du conseil, une présence, tout en évitant de trop s’impliquer.

La bonne nouvelle c’est que ce projet se poursuit dans le cadre de la prolongation du PwDR, et le GAL, tout en continuant d’accompagner les projets de gestion différenciée, a décidé de s’orienter vers une densification des éco-jardins et des formations d’ambassadeurs/éco-jardiniers. Un éco-jardin est un espace naturel privé ou communal dans « lequel les personnes qui s’en occupent vont s’engager à ne pas utiliser de produit phyto et vont favoriser la biodiversité en mettant des nichoirs, un tas de bois pour les hérissons et les insectes, en faisant un compost, en plantant des haies, … »  rapelle Fanny. Il s’agira aussi de lutter contre les espèces invasives. C’est un réel investissement moral et éthique auquel chacun s’engage. Un premier diagnostic est réalisé et il est demandé au propriétaire d’essayer d’évoluer dans sa démarche vers toujours plus de biodiversité, un second diagnostic est réalisé ultérieurement et le GAL constate en général une très belle évolution. Le rôle du GAL est alors de soutenir les promoteurs de ces projets, les valoriser et les mettre en réseau. Le projet est une vraie force, tant pour le GAL que pour les particuliers, qui peuvent ainsi communiquer entre eux, s’échanger plantes et conseils, apporter un coup de mains là où s’est nécessaire, … Des outils de communication sont mis à leur disposition (site internet, wiki, boucle de discussion par mail, newsletter, Facebook, …). A côté du projet des espaces verts publics investis, il y a aussi des parcelles appartenant à des privés avec lesquelles le GAL signe une convention, et des éco-jardins témoins, très diversifiés, où le propriétaire accepte la présence du public. Des panneaux didactiques sont placés dans ces jardins, et peuvent servir de supports pour les particuliers ou les gens qui se baladent, créant ainsi un parcours inspirant pour les promeneurs.

Ce sont donc de beaux outils participatifs qui sont ainsi mis en place sur le territoire du GAL, Ils forment du lien, enrichissent et renforcent les connaissances du territoire et offrent un bel avenir, espérons-le, à la biodiversité locale.

 Évidemment, il n’y a pas de projet réussi sans surmonter des obstacles. Le principal rencontré par Fanny et Benoit est le découragement face à la partie administrative. Puisqu’il s’agit principalement de parcelles publiques, les communes ont besoin d’être rassurées en termes d’assurance quant à leur responsabilité. Il est donc impératif de doser et de planifier l’investissement. Et pour l’habitant, cette lenteur est parfois mal comprise.

Il faut aussi et surtout pouvoir convaincre les élus. Le service des travaux a ses terrains de jeu. Et d’un coup un groupe d’habitants ou des structures extérieures entrent dans le processus. « Il faut que les élus et les services communaux s’approprient cette dynamique de partager l’espace public » confie Benoit. Aujourd’hui, on constate que ce n’est toujours pas acquis. Peut-être y a-t-il là derrière, « une peur de céder et de ne pas avoir le contrôle » s’interroge Fanny, ainsi probablement qu’un problème générationnel.

La communication, quant à elle, est capitale afin de valoriser au mieux les projets. « Nous on est toujours dans l’action et rarement dans la communication » constate Benoit. En effet, on note parfois une mauvaise compréhension de certains projets. L’apparence sauvage des terrains pouvant donner l’impression qu’ils manquent d’entretien. Le regard qu’ont les habitants par rapport au services communaux n’est pas toujours très positif. La communication est parfois mal réalisée et on constate alors la destruction d’un aménagement entrainant une forte frustration. « Il peut aussi y avoir un conflit de générations » remarque Benoit.

D’un point de vue européen, on constate une réelle réflexion en termes de gouvernance. Il y a une évolution dans la façon dont les décisions sont prises qui se traduit par les mouvements citoyens en réponse à un besoin sociétal important. Dans la gestion des espaces verts, l’évolution est également incroyable. L’importante mouvance participative se voit tant dans les prises de décisions que dans l’appropriation de l’espace public.

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Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment à la Mesure 19 – LEADER (GAL des Plaines de l’Escaut) du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.

Découvrez-en plus sur le Programme wallon de Développement Rural et son réseau :
www.reseau-pwdr.be