Agricoeur, au carrefour des ambitions

 

Agricoeur, c’est un espace polyvalent. Sur seulement 2 hectares, le GAL Pays des 4 Bras a réussi à élaborer un projet reposant sur 4 piliers : insertion, environnement, innovation et citoyenneté. Beaucoup d’ambitions pour le GAL, mais, surtout, déjà beaucoup de succès pour ce projet lancé début 2020.

LE PROJET

L’été touche tout doucement à sa fin, les abeilles butinent encore les fleurs, les tomates rougissent et les aubergines grandissent doucement. Nous sommes à Les Bons Villers, une commune hennuyère, toute proche du Brabant wallon. Nicolas Rosen, le chargé de mission du Groupe d’Action Locale du Pays des 4 Bras nous accueille dans un petit bureau, installé dans un container, au milieu de 2 hectares de nature et de cultures. 

C’est le projet d’Agricœur que Nicolas nous présente en cette matinée de septembre : au croisement de la formation, du maraîchage, de la biodiversité et de l’insertion sociale, le GAL a eu l’opportunité d’investir un projet innovant sur un terrain auparavant délaissé. « Agricoeur c’est un terrain communal à la base, laissé à l’abandon, se souvient Nicolas Rosen […] J’avais besoin d’un terrain pour faire les formations. » Le Bourgmestre ayant accepté de leur laisser l’usage du terrain, il s’agissait de trouver comment l’investir au mieux. « Pour la formation, j’ai besoin d’un petit espace, précise le chargé de mission, du coup on s’est dit qu’allons-nous faire avec 2 hectares ? On a réfléchi et fait un espace test. […] On voulait aussi laisser une place au citoyen, ce qui était également une volonté de la commune. »

 Un renouveau pour ce terrain donc, qui allait accueillir en son sein un nouvel espace-test maraîcher wallon : un espace où des maraîchers et horticulteurs peuvent venir se « tester » avant de se lancer. L’un des principaux freins lors du lancement de cet espace-test ? Le timing : « On a lancé l’appel en février/mars et c’était en pleine crise du coronavirus, se rappelle Nicolas Rosen, et on savait que le terrain ne serait pas utilisable avant le mois de mai. Ce qui était déjà fort avancé dans la saison. On ne pouvait donc pas prendre quelqu’un qu’on allait devoir materner. Il devait être indépendant. On a sélectionné deux porteuses de projets, Mathilde qui est dans une ferme classique avec son papa mais qui souhaite aller vers du maraîchage bio ayant plus de sens pour elle. […] Et Hélène, qui cultive des fleurs et fait des bouquets ici dans la localité. Elle était déjà indépendante complémentaire et on savait qu’on pouvait compter sur elle. On a été hyper sévère, car on avait peur de ne pas avoir le temps pour tout gérer et qu’on soit trop avancés dans la saison. »

Les pouvoirs publics pourraient faire en sorte de mieux soutenir les agriculteurs. Mais ce ne sont pas que les pouvoirs publics, c’est tout le système qu’il faut changer.

Mathilde

Maraîchère

L’aspect social est évidemment une des pierres d’angles du projet, comme nous l’explique Anne-Laure Desmidt, présidente du CPAS de Les Bons Villers et en charge de la transition écologique au niveau du collège communal : « Ce projet est multifacettes et tourne autour de la nature et de l’alimentation. C’est ça qui est particulièrement intéressant. La partie insertion […] fait le lien entre la transition écologique, le fait de se réapproprier la terre pour produire sa propre alimentation – même si, ici, on n’est pas dans une logique productive pour ce qui concerne l’aspect insertion. [On] parle d’insertion de personnes qui sont parfois très éloignées de l’emploi, et pour qui la terre devient un moyen d’échange, un moyen de lier des contacts et de s’ancrer dans la vie quotidienne. »

Si l’insertion sociale est un aspect très important du projet, et dont le succès a été quasiment immédiat, l’innovation est aussi l’un des piliers de l’espace Agricoeur, comme le précise Anne-Laure Desmidt : « Il y a l’espace innovation avec plantation de saules pour broyat pour maraîchage, et sous lesquels il y aura un élevage de poules en plein air ce qui permet de maximiser l’espace. » L’innovation rencontre alors la préservation de la biodiversité au travers de la plantation d’arbres qui produiront du broyat à destination de l’espace-test et du maraîchage d’insertion. Enfin, le dernier pilier, sans doute le plus compliqué à mettre en place, est celui de la citoyenneté : en septembre 2020 l’appel à projet était toujours en cours afin de lancer un projet « autour de la nature et l’alimentation, cohérent avec tout le reste et en rapport avec la nature et respectueux de l’environnement. »

Si la commune est extrêmement impliquée dans le projet, Anne-Laure Desmidt reconnaît que « le projet n’aurait pas eu lieu sans le GAL ou en tous cas pas de la même manière. C’est grâce au GAL qu’on a mis le pied à l’étrier. » Le financement de LEADER par l’Europe et la Wallonie a été un déclencheur indispensable pour mettre en route le projet d’Agricoeur.
Le projet d’Agricoeur, qui cherche à créer la symbiose entre social, innovation, biodiversité et agriculture a un très bel avenir devant lui, n’en doutez pas : Lorsque l’on demande à Anne-Laure si elle aimerait ajouter quelque chose en fin de rencontre, elle regarde autour d’elle, observe les cultures et les personnes qui s’activent et conclut en souriant : « J’encourage les gens à venir visiter l’endroit car cela peut vraiment être inspirant. Qu’ils découvrent, et que cela donne l’envie à d’autre de mettre le pied à l’étrier, et d’embrayer dans ce type de projet que ce soit en tant qu’organisateur ou comme participant, maraîcher, … »

Si l’Espace-test n’a pas pu directement accueillir des « débutants » en agriculture, c’est évidemment une possibilité à l’avenir. En attendant, Mathilde, maraîchère, a pu entamer la saison 2020 sur un terrain mis à disposition par le GAL, en faisant le choix du bio (bien que le terrain ne soit pas encore labellisé). Depuis la serre de la parcelle, elle nous explique pourquoi : « Parce que je trouve que c’est mieux de ne pas mettre de produits phyto dessus, et oui je pense que les légumes sont meilleurs. Pas spécialement au niveau du goût mais de la santé, donc c’est plus vendeur aussi. » Quand on lui demande s’il faut beaucoup de compétences et de connaissances pour pouvoir se lancer dans un espace-test, elle relativise : « Pas forcément beaucoup de connaissances, mais c’est beaucoup de boulot, et je pense qu’on ne se rend pas toujours compte à moins d’être sur le terrain… »

Mathilde pratique la vente directe de ses produits, qui auront sans doute bénéficié dans un premier temps de la crise COVID, et de l’envie de certains consommateurs de retourner à une production locale. Néanmoins, elle reste critique du système agroalimentaire tel qu’il est conçu actuellement : « Les pouvoirs publics pourraient faire en sorte de mieux soutenir les agriculteurs. Mais ce ne sont pas que les pouvoirs publics, c’est tout le système qu’il faut changer, souligne-t-elle. Le fait que les grandes surfaces vont se fournir dans des pays où les quantités sont énormes, et à bas prix, car ils ont toutes les infrastructures. Ils cueillent les tomates pas mûres, donc elles sont dégueulasses… C’est tout cela qu’il faut revoir. » Et donc arrêter la course au bon marché, et entamer la course à la qualité des produits pour les citoyens.

Pendant que Mathilde nous explique son installation sur la parcelle et son point de vue sur la consommation locale, une certaine agitation commence à résonner dans la serre. Ce sont les bénéficiaires du projet du CPAS de Les Bons Villers qui s’activent afin de s’occuper de leurs légumes. Ils sont une petite dizaine ce matin-là. Parmi eux, Corine. Sa joie d’être sur terrain se ressent directement, et, au moment où elle nous présente sa caissette de tomates, sur son visage se lit la fierté de montrer les légumes qu’ils ont produit cette saison. Ce projet la remet en contact direct avec la société, mais aussi, et surtout, avec la nature. Quand on lui demande si le projet lui fait du bien, elle nous répond avec beaucoup d’enthousiasme : « Oui, tout à fait. Moralement et physiquement. Cela fait 37 ans que je travaille, et là je suis à l’arrêt complet, donc cela me fait du bien. » C’est dans son parcours avec le CPAS qu’elle a entendu parler du projet : « c’est l’assistante du CPAS qui m’a expliqué qu’il y avait un projet comme ça en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne. J’ai trouvé cela super pour les gens qui ont de petits revenus surtout après le covid, et donc je me suis lancée là-dedans. J’essaie d’aider tout le monde : les autres et moi. » se réjouit-elle.

Moralement et physiquement ça fait du bien. Cela fait 37 ans que je travaille, et là je suis à l’arrêt complet, donc cela me fait du bien.

Corine

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Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment à la Mesure 19 – LEADER (GAL Pays des 4 bras) du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.

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www.reseau-pwdr.be