Accès à la terre et biodiversité en Pays de Gaume

 

En province du Luxembourg, comme dans le reste de la Belgique, les terrains agricoles connaissent régulièrement des augmentations de prix, ce qui rend l’installation de jeunes agriculteurs de plus en plus compliquée. C’est pour répondre à ce souci d’accès à la terre que le GAL Parc naturel de Gaume a lancé son projet Agrinew, permettant à la fois de restaurer la biodiversité et de donner accès à des terrains à de jeunes agriculteurs.

LE PROJET

Depuis plusieurs années, les prix des terrains agricoles en Belgique ne cessent d’augmenter : les petites exploitations sans repreneurs vendent leurs terres, qui sont souvent rachetées par de plus grandes exploitations, ayant les moyens de payer des prix élevés. Cette pression sur le foncier se fait au détriment des jeunes agriculteurs, désireux d’acquérir quelques hectares afin de se lancer.

La province du Luxembourg n’est pas épargnée par cette problématique : « Si on est près d’Arlon, donc à la frontière luxembourgeoise, l’hectare se vend à 30 à 35.000 euros, explique Sébastien Quennery, chargé de mission agriculture au GAL Parc naturel de Gaume. Si on s’écarte de la frontière, à Étalle, c’est de l’ordre de 25.000 euros et si on s’écarte encore un peu plus vers Florenville, on est de l’ordre de 20.000 euros, parfois 15.000. Pour s’installer dans l’est de la Gaume, c’est extrêmement difficile. »

C’est pour répondre à ce problème que le Groupe d’Action Locale et Parc naturel de Gaume ont décidé de lancer le projet Agrinew : « [Il] comporte deux actions. La première est de favoriser l’accès au foncier pour le jeune agriculteur en restaurant des milieux naturels appartenant aux communes, de les réaffecter à l’agriculture et de les mettre à disposition des jeunes agriculteurs, précise Sébastien Quennery. La deuxième action est de favoriser les nouveaux modèles d’exploitation agricoles avec des pratiques plus respectueuses de l’environnement. »

Car la biodiversité est également au centre du projet, notamment au travers de la restauration de terrains, souvent communaux, qui ont été délaissés par l’agriculture conventionnelle depuis des années. Les terrains se sont alors reboisés avec des essences d’arbres dites « opportunistes » comme le bouleau ou le saule. Agrinew va alors permettre de restaurer ces terrains : « La restauration consiste généralement à déboiser et mettre sous clôture, développe Sébastien Quennery. Parfois une modification du relief du sol pour terrasser ou creuser des mares est également prévue. »

Nous savons que l’agriculture survit notamment grâce aux primes agricoles (…), et dans certains modèles agricoles, on remarque qu’une part importante des revenus provient des compensations financières liées à la protection de l’environnement. C’est vraiment un poids considérable. 

Sébastien Quennery

 Heureusement, ces difficultés sont largement compensées par d’autres points positifs, comme le fait que le tissu associatif est déjà très actif dans la région, et que beaucoup d’agriculteurs de la région cherchent à se lancer dans des modes de productions respectueux de l’environnement.

Enfin, quand on demande à Sébastien Quennery si les initiatives positives des agriculteurs sur leur environnement, comme dans le cadre d’Agrinew, sont assez médiatisées il nous répond que globalement oui, « même si parfois, certaines pratiques issues de l’agriculture intensive présentées dans les médias – qui ne ressemblent en rien à l’agriculture que nous retrouvons très majoritairement en Gaume – vont détruire l’image de l’agriculture. » Le grand public ne comprend peut-être pas toujours les enjeux agricoles et les pratiques qu’il observe : « Quand on voit un tracteur déposer du lisier, les gens pensent automatiquement à un dépôt de produits ou engrais chimiques. Pour eux ce n’est pas forcément naturel quand on épande quelque chose, alors que si […], les fumures ça pue ! Mais c’est la méthode la plus naturelle, la plus logique de fonctionner [NDLR : apporter de la matière organique pour enrichir le sol et sa faune]. Donc là il y a une incompréhension du monde agricole, remarque-t-il. Comment faire pour informer et vulgariser ? Là, c’est un travail de longue haleine. Mais je trouve que cela va de mieux en mieux. Il faut continuer ! » conclut-il.

Les clôtures sont posées pour permettre le passage à la phase d’entretien du terrain par le pâturage. Il s’agit souvent de bétail dit « rustique » qui va venir entretenir ces terrains restaurés : vaches Highland et autres moutons Roux d’Ardenne vont en pâturant, et grâce à leurs déjections, favoriser naturellement la biodiversité.

Avant les travaux de restauration, le GAL doit procéder par étapes : repérage des terrains qui semblent intéressants au niveau agronomique et environnemental, prises de contact avec les communes et le Département Nature et Forêt (DNF), demandes de permis pour restaurer les terrains, …  « On monte ensuite un dossier PwDR, et plus spécifiquement la mesure 7.6 qui concerne la restauration d’habitats Natura 2000 et sites de grand intérêt biologique. » ajoute Sébastien Quennery. 

Enfin, vient l’étape de la mise à disposition des terres.  « Elle est gratuite. On commence par un appel à candidat qui se fait surtout via la presse agricole qui est beaucoup lue » explique Sébastien. Les candidats doivent remettre leur candidature avec une série d’informations : âge, la surface déjà déclarée, motivations environnementales, … Les candidats sont ensuite sélectionnés, et bénéficient souvent d’une mise à disposition gratuite des terrains sur le long-terme, afin de pas créer de précarité foncière. Dans le cas de réserve naturelle domaniale, le DNF est gestionnaire pour une longue durée (15 ou 30 ans) et met à disposition des agriculteurs. En échange, ils s’engagent évidemment à une gestion raisonnée du terrain selon un cahier des charges précis. Outre le pâturage, ce sont aussi des agriculteurs maraîchers qui peuvent s’installer grâce à ce projet.

Une fois que le terrain a été mis à disposition, le GAL ainsi que l’asbl Natagriwal accompagnent l’agriculteur dans le lancement de son projet. Si Sébastien Quennery du GAL aide à monitorer notamment la viabilité du projet, Natagriwal se charge quant à elle d’accompagner la mise en place des Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC), c’est-à-dire les pratiques mis en place par l’agriculteur pour favoriser la biodiversité et le maintien des paysages. En contrepartie, les agriculteurs peuvent bénéficier d’aide financière. « Nous savons que l’agriculture survit notamment grâce aux primes agricoles (…), et dans certains modèles agricoles, on remarque qu’une part importante des revenus provient des compensations financières liées à la protection de l’environnement. C’est vraiment un poids considérable. » Il est donc évident pour Sébastien que ces compensations doivent être maintenues, et que si leurs montants étaient revus à la baisse, cela mettrait à mal beaucoup d’initiatives mise en place pour restaurer notre environnement.

La difficulté dans la mise en place du projet ? L’arrivée de la peste porcine, qui a empêché le démarrage de nombreux travaux de restauration. Mais l’administratif, et ses lenteurs, sont également un frein au projet : il n’est pas toujours aisé d’avoir accès au parcellaire cadastral des terrains communaux, ou d’obtenir les signatures nécessaires pour faire avancer rapidement les projets.

Envie d'en savoir plus sur les Groupes d'Action Locale wallons?

Ce projet est possible grâce au financement du FEADER, notamment aux Mesure 19 – LEADER (GAL Parc Naturel du Pays de Gaume) et Mesure 7.6 – Restauration de pelouses, de landes et d’habitats situés en Natura 2000 et dans la structure écologique principale (SEP) du Programme wallon de Développement rural, co-financée par la Wallonie et l’Europe.

Découvrez-en plus sur le Programme wallon de Développement Rural et son réseau :
www.reseau-pwdr.be